QUELQUES ÉLÉMENTS SUR LES NOCES DE STRAVINSKY
Les noces de Stravinsky
Aucune œuvre de Stravinsky n’a subi autant de métamorphoses. En 1914, Stravinsky songe à « un grand divertissement, ou plutôt à une cantate chantant les noces paysannes ». Dans des recueils de textes populaires russes rapportés d’un récent voyage en Russie, il sélectionne à cet effet des textes ayant trait à ce sujet.
Des difficultés d’instrumentation, des hésitations à cet égard, expliquent l’existence de versions successives avant que la partition ne revête l’aspect définitif que l’on a coutume d’entendre. Seul l’usage des solistes et des chœurs est l’élément immuable des versions successives.
Un premier essai d’orchestration pour un très important effectif orchestral est daté de 1914-1516 et ne comporte que les 68 premières mesures de l’œuvre, soit environ trois minutes de musique.
En 1917, Stravinsky achève l’ébauche de la première partition ; néanmoins, l’instrumentation ne semble pas lui convenir puisque l’œuvre ne voit pas le jour à ce moment-là. Cette première version est écrite pour un effectif encore assez large comportant : bois, cuivres (dont deux cors de chasse), un piano, deux harpes, un harmonium, un cymbalum, un clavecin, percussions, trois premiers violons, deux seconds violons, deux altos et une contrebasse.
En 1919, Stravinsky s’attèle une nouvelle fois à la tâche et recherche une « solution dans un ensemble plus sommaire ».
« Je commençai une partition comportant des blocs polyphoniques entiers : piano mécanique et harmonium mus à l’électricité, un ensemble de percussion et deux cymbalums hongrois. Mais là, je me heurtai à un nouvel obstacle à la grande difficulté pour le chef d’orchestre de synchroniser les parties exécutées par les musiciens et chanteurs avec celles des instruments mécaniques. Aussi bien cela me fit renoncer à cette idée, bien que j’eusse instrumenté de cette façon les deux premiers tableaux… »
Enfin, en 1921, Stravinsky trouve l’ensemble instrumental définitif, alors que Diaghilev décide de programmer l’œuvre aux Ballets Russes. « Je vis clairement que dans mon œuvre l’élément vocal, c’est-à-dire soufflé, serait le mieux soutenu par un ensemble composé uniquement d’instruments frappés. Et c’est ainsi que je trouvais une solution, sous la forme d’un orchestre comprenant des pianos, timbales, cloches, xylophones instruments à sons terminés et, d’autre part, des tambours de différents timbres et hauteurs, instruments ne donnant pas de notes précises. Cette combinaison sonore, comme on le voit, était le résultat d’une nécessité découlant directement de la musique même de Noces et n’était nullement suggérée par un désir d’imiter les sonorités des fêtes populaires de ce genre que, d’ailleurs, je n’ai jamais ni vues, ni entendues… » (I.S.)
Cette ultime version vit le jour en 1923 aux Ballets Russes. La chorégraphie de Nijinska ne répondait d’ailleurs pas aux vœux de Stravinsky qui « voulait placer l’orchestre sur le plateau même et faire évoluer les acteurs sur l’espace resté libre…»
La partition ne contient aucune indication scénique ni aucun argument : « Les Noces sont une suite d’épisodes « types » de mariage, racontés d’après les extraits d’une conversation « type ». Les rôles n’existent pas dans les Noces, il n’y a que des voix solo qui personnalisent tantôt un type de personnage, tantôt un autre… » (I.S.). . En résumé, les trois premiers tableaux constituent les préparatifs de la noce qui a lieu au quatrième tableau. La musique s’enchaîne sans interruption.
Comme dans Renard, Stravinsky n’identifie pas chaque voix soliste à un acteur. Sa musique, d’essence populaire apparente, n’en est pas moins totalement inédite à l’exception d’un thème de chanson d’usine repris plusieurs fois dans le dernier tableau.
Les difficultés d’orchestration qui ont repoussé à 1923 la réalisation définitive d’une composition débutée en 1914, ont rendu cette œuvre anachronique au moment de son achèvement dans une période où le style de Stravinsky avait considérablement évolué et s’était modifié de façon spectaculaire.
MUSIQUE EN CONSTRUCTION Opus 2 – « COÏNCIDENCE » en résidence au centre Saint Pierre – 11/22 avril