LE MARDI AU ZINC

MARDI 21 MAI 2019

David Sanson pour EOTB

Le Mardi Au Zinc Pierre
3 concerts de musique sauvage
17h30, 18h30 et 20h
4, rue du Mulet à Bordeaux

Camille Emaille en solo : batterie et percussions
Michel Doneda et Fabrice Charles, petite touffe de sons : saxophone et trombone
Jean Luc Guionnet et Seijiro Murayama, le bruit du toit : saxophone et caisse claire

Sur un fil ou dans un écho, entre les gongs et les fûts, les cymbales et les peaux, les performances de la percussionniste Camille Emaille tiennent de l’équilibrisme autant que de la sculpture sonore. C’est une architecture à la fois précaire et spectaculaire qui s’y noue, une dramaturgie ténue et tendue qui s’y joue, corps-à-corps gracile et animal avec une matière sonore qu’elle pétrit ou actionne. Quand elle ne se consacre pas à la musique écrite par nos contemporains (de Cage et Scelsi à Sciarrino ou John Zorn), entre un « concert sauvage » donnée avec le collectif # et l’une de ses multiples collaborations, cette musicienne passée par la Musik Akademie de Bâle et le Mills College d’Oakland s’adonne à des improvisations d’une liberté forcément – mais fortement – singulière. Elle dit considérer toutes ses pratiques comme autant de « composants du monde et de la vie, des cellules de toute chose ». Elémentaire.

Michel Doneda (saxophone) & Fabrice Charles (trombone) se côtoient depuis bientôt un quart de siècle. Sur disque comme sur scène, ils ont frayé ensemble derrière une multitude d’avatars musicaux, avec Günter Müller, Jean Pallandre ou Pierre-Oliver Boulant ou au sein de La Fanfare de la Touffe, cet ensemble ouvert à tous dont ils sont les artisans /artificiers. Deux grands messieurs de l’improvisation qui, en duo, nous offrent de « petites touffes de son » des plus roborative, mettant au défi la syntaxe de leurs instruments respectifs : ils nous entraînent dans leur sillage de souffle et de soufre, engagés côte-à-côte sur des chemins non balisés – des chemins qui n’existent que par leur marche, comme dirait Saint Augustin… si l’on savait encore à quel saint se vouer.

Pour conclure ce Mardi Au Zinc Pierre, un autre duel au sommet : celui que se livrent Jean-Luc Guionnet (au saxophone) & Seijiro Murayama (à la caisse claire). Depuis 2007 et la sortie de leur disque Le Bruit du toit, tous deux n’ont eu de cesse de développer leur pratique de l’improvisation in situ, sous forme purement musicale ou aux côtés de la chorégraphe Catherine Diverrès. « Notre humeur du moment (puisqu’il est dit que forcément nous en avons une), l’architecture et l’acoustique du lieu, le type d’attention du public et les caractéristiques du bruit de fond, le lieu et le moment passent au filtre de notre propension à jouer ou à ne pas jouer (ceci ou cela) », écrit Jean-Luc Guionnet – quand son acolyte parle d’ explorer « le « non-concert » comme situation, par rapport à l’espace, au temps, au silence, etc. » Improvisateurs chevronnés, donc. Mais en matière d’improvisation, le comble de l’expérience ne consiste-t-il pas justement à oublier tout ce que l’on sait, à faire fi de cette expérience accumulée, des habitudes qu’elle pourrait avoir engendrées – pour ne plus se fier qu’à la pure présence ?