AZIMUT, TOUTE !

5, 7 et 8 décembre

UN SOLO, DEUX SOLI, UN TRIO ET UN DUO

À la Peña Haiz’egoa – Rempart porte d’Espagne – Bayonne
5€ le concert, 10€ les trois
Tous les soirs, pintxos, apéro ambiancé

Avec
/ CAMILLE EMAILLE
/ PRUNE BÉCHEAU & ISABELLE DUTHOIT
/ LA PARTITION ROUGE - PRUNE BÉCHEAU & ISABELLE DUTHOIT

Ça chuinte et ça chante, ça frotte et ça sonne, ça gronde ou ça groove, ça vibre, ça vit : sur un fil ou dans un écho, entre les gongs et les fûts, les cymbales et les peaux, les performances de la percussionniste Camille Emaille tiennent de l’équilibrisme autant que de la sculpture sonore. C’est une architecture à la fois précaire et spectaculaire qui s’y noue, une dramaturgie ténue et tendue qui s’y joue, corps-à-corps gracile et animal avec une matière sonore en fusion qu’elle pétrit ou actionne. Quand elle ne se consacre pas à la musique écrite par nos contemporains (de Cage et Scelsi à Sciarrino, Eötvös ou John Zorn), entre un « concert sauvage » donnée avec le collectif # et l’une de ses multiples collaborations (avec Xavière Fertin, Tom Weeks ou Hans Kochle, son trio franco-mexicain Vertebrae ou son quintette Escargot), cette musicienne passée par la Musik Akademie de Bâle et le Mills College d’Oakland s’adonne à des improvisations d’une liberté forcément – mais fortement – singulière. Elle dit considérer toutes ses pratiques comme autant de « composants du monde et de la vie, des cellules de toute chose ».

Camille Emaille inaugure le mercredi 5 décembre la série de concerts proposés par les associations Baltringue et Einstein On The Beach à Bayonne du 5 au 8 décembre.

Trois soirées musicales placées sous le signe du féminin, puisque seul un homme (l’unique Monsieur Gadou) aura le privilège d’intervenir au cours de ces cinq concerts. Des concerts – trois solos, un duo et un trio – qui continuent d’explorer également – outre ces frottements transfrontaliers et organiques entre l’écrit et l’improvisé, entre l’instinctif et le prémédité – les rapports entre solo et collectif : la manière dont un vocabulaire musical se manifeste et se transforme suivant qu’il s’exprime individuellement ou qu’il est confronté à un, voire deux autres. Ainsi la soirée du vendredi 7 décembre verra-t-elle se succéder les solos de Prune Bécheau (violon baroque amplifié) et d’Isabelle Duthoit (clarinette et voix), que l’on retrouvera le lendemain en duo. Comme Camille Emaille, l’une et l’autre sont deux personnalités musicales éminemment indisciplinaires et hors normes. Formée au violon baroque et classique, Prune Bécheau partage son temps entre « noise collective et lutherie improvisée (par exemple au sein des groupes Urs Graf Consort et Pancrace Project, Ndlr.), musiques festives et circonstancielles, détournement de radios commerçantes, enregistrements de terrain et de matière, punk expérimental et chanson minimaliste, no-wave en bois et variété italienne, hard-tek acoustique et jeux d’archets, compositions pour appeaux ou pour pluie ». Quant à Isabelle Duthoit, grande figure de la scène musicale dite « contemporaine », elle a par ailleurs développé une pratique improvisée qui l’a vu collaborer à une myriade de projets souvent pluridisciplinaires avec David Chiesa, Keiji Haino, Phil Minton, John Tilbury, Anne-James Chaton, Jean-Sébastien Mariage, etc. « Écouter Isabelle Duthoit, c’est faire l’expérience d’une voix qui ne dit rien mais qui actualise des sensations premières liées au son, à l’intimité du son et que l’on perçoit bien plus par notre peau que par nos oreilles », dit d’elle le toujours sagace Lê Quan Ninh. Cette virginité de l’écoute, cette liberté retrouvée d’une oreille neuve et curieuse, cette approche à la fois primaire et quasi chamanique, immémoriale, du langage musical, c’est bien elle qui est invité à s’exercer au cours de ces trois soirées qui se conclueront d’ailleurs, comme par hasard, sur un voyage aux sources des poèmes et des chants des Indiens d’Amérique du Nord.

 

Nouveau projet de « musique spectaculaire » imaginé par Isabelle Jelen avec Tiziana Bertoncini et Monsieur Gadou, Etude en rouge s’inspire en effet de La Partition rouge, une anthologie de textes de ces peuples que l’on dit « natifs » traduits et présentés par les écrivains Jacques Roubaud et Florence Delay, publiée en 1988. Dans ces textes, poèmes ou épopées aux pouvoirs poétiques intacts, Isabelle Jelen a trouvé matière à poursuivre – après Calamité, inspiré des lettres de Calamity Jane – son entreprise de « démystification » du western, mais aussi son exploration scénique des liens qui unissent le texte et la musique, le mot et sa profération, l’instrument et la voix. Les organes des trois musiciens, et leur instrumentarium composite (violon, guitare électrique, harmonica, saxophone péruvien, harmonium indien), recréent de toutes pièces ce folklore haut en couleurs : loin des images d’Epinal, à mille milles de tout chemin balisé, leurs mélodies incantatoires et répétitives invitent à un voyage dans l’espace et le temps, des motets médiévaux aux « tourneries » d’un Ligeti). Une « étude », nous dit le Larousse, est – entre autres – un « dessin, peinture ou modelage exécutés d’après nature, afin de saisir la réalité sur le vif ». : tel est aussi le propos de cette rencontre hypothétique et impromptue, dans le mystère de l’instant, sur le vif et sur le fil, avec des peuples pour qui « le mot est un acte, le poème agit, l’art est la vie même ».