CLAIRE BERGERAULT

POÈMES

Au-dessus
Il y a comme un blanc
Une histoire secrète qui s’étale

Je suis nue.
Le silence est mon voile, épais et translucide.
Il laisse apparaitre ou disparaître.
Je crois décider de le déchirer, de le couper, de l’étreindre. Mais c’est lui qui guide.
C’est lui qui s’impose.
Le silence ne me fait pas peur.
Il est mon allié.
Je ne serai jamais seule puisque qu’il y a mon silence.

Le silence est épais, c’est du plein. C’est un marqueur, de vie, de temps. C’est de la présence au temps, du présent à l’état pur, de la consistance de soi.
Le silence comme le temps n’existe pas -vraiment- parce qu’Il n’y aura jamais de vérité dans le silence, il n’y a que le rapport de soi à soi. Il efface la distance, il sous-tend le gouffre.

C’est du vivant, c’est du entre, c’est du dessous et du dedans.
Le silence est du vivant. C’est ce cœur que j’entends, ce sifflement qui siffle dans ma tête ad vitam eternam…
Tant qu’il y aura mon silence il y aura ma vie.

Le silence c’est une mer, dans laquelle je plonge. Une immensité plane en dehors. L’impression qui ne se passe rien, mais tout est dedans. Je me retourne, à l’envers elle est autre. A l’envers on est ailleurs. Lorsque l’on pénètre le silence on est ailleurs, car le silence est habité. Je leur parle à ces créatures et elles me répondent. Je ne sais pas ce que je leur dis. Je leur parle. Je les écoute. Je suis un vecteur d’un silence à l’autre.

Le silence c’est ce que je touche c’est cet air qui me touche, c’est tout ce qui me touche.

Le silence c’est mon socle, c’est deux bras qui se tendent.
C’est cette page blanche dont je n’ai pas peur, moins que de celle sur laquelle j’écris ces mots.
Le silence n’est jamais dans l’attente car il ne sait pas ce que c’est.
Seul, lui connaît la vraie valeur du temps. C’est lui qui permet.
Le silence n’est pas un repos. Il est un rebond il est un tremplin sur lequel je me pose.

Aujourd’hui je mets ma robe de silence.

Les voix du dessus prennent tout l’espace
Elles influencent en dessous l’espace de mon corps
Elles me parcourent comme un voile
Elles soufflent des mots inaudibles
Ce qui n’est pas dit est ici
Ce qui ne s’entend pas est dans cet entre deux
Parce qu’entre elles et moi il y a ma voix
Un relais à la fois tendu et fragile
Comme tirée par des fils invisibles
Il n’y a pas d’histoire ici il y a seulement un calme absolu
Il n’y a ni mots ni chants il y a tout

Ma gorge est à un point stratégique

Entre mon ventre et ma tête
Juste un passage
Comme un goulot d’étranglement pour ne pas dire ce que mon ventre pense

Il y a des milliards d’histoires dans mon ventre
Sombres ou lumineuses
On ne peut pas tout dire
Alors on garde ça
Au chaud , dans les recoins abyssaux de nos antres
On ne peut pas tout dire parce qu’il y aurait trop à en dire
Le trop rejoint le vide
A quoi bon
Il y a des milliards d’histoires dans mon ventre
Qui ne demandent qu’à parler
Elles s’étalent dans mes circonvolutions
Elles prennent parfois toute ma place
Celle que j’aimerais avoir dans ce désordre
Il faut du courage pour discerner ce qui est du vrai du faux
Il faut s’armer – trouver des stratagèmes pour s’y retrouver
C’est une guerre qui s’organise à petit feu
C’est un roman qui s’inscrit dans notre ADN

Je n’ai pas fini de courir après les longs couloirs sombres qui m’amèneront à l’éblouissement d’un éveil
Peut-être qu’un jour j’y verrai clair
Peut-être que les promesses auront une parole qui elle seule saura remonter les chemins sinueux jusqu’à l’émission d’un son premier, d’un son libre de pensée

Ma voix de nez c’est l’espace que je donne
C’est mon architecture
C’est elle qui donne le cadre le lieu le in situ

Ma voix de nez c’est l’espace de ma chambre ou de ma cathédrale de l’intérieur
Elle est modulable Elle passe à travers les murs.